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Vénérable JEAN-MARIE DE LA MENNAIS

Vénérable Jean-Marie de la Mennais

fondateur des Frères de l'Instruction Chrétienne de Ploërmel et des Filles de la Providence de St-Brieuc (✝ 1860)


Jean-Marie Robert de la Mennais naquit sur le célèbre rocher de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), le 8 septembre 1780. Il était le troisième enfant d'une famille qui en comptera six ; le quatrième portait le nom tragiquement mensonger de Félicité.

Le père, riche armateur, vendait étoffes et chemises à l'Espagne (Cadix) et aux colonies. En 1779, il vola même au secours des Américains en lutte pour leur indépendance. A deux reprises, en 1782 et en 1786, il sauva ses concitoyens de la famine. Louis XVI, à titre de récompense, anoblit la famille des Robert qui avait déjà ajouté à son nom celui de « la Mennais ».

Quelques mois plus tard éclata la Révolution. Pendant que le père, fidèle à la vieille tradition malouine, armait un vaisseau-corsaire, La Révolutionnaire, Jean-Marie grandissait en grâce et en sagesse en dépit des tempêtes de l'histoire.

L'enfant n'avait que dix ans lorsque, sur le point d'émigrer à Jersey, Mgr de Pressigny, dernier évêque de Saint-Malo, communia pour la première fois et confirma l'enfant prédestiné. Onze ans plus tard, le 21 décembre 1801, à la veille de perdre ses pouvoirs, le même évêque lui conférait les ordres mineurs et le sous-diaconat. Diacre le 24 septembre 1803, Jean-Marie était prêtre le 25 février suivant.

II — MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DES PRÊTRES DU CŒUR DE JÉSUS

1. — Enseignement et missions.

Au moment même où la Révolution travaillait à détruire les anciens ordres religieux, la divine Providence en suscitait déjà de nouveaux. Le 19 juillet 1790, le curé de Paramé (commune voisine de Saint-Malo), Pierre-Joseph Picot de Clorivière (1735-1820) élaborait une double Société adaptée aux nécessités de l'heure, celle des Filles du Cœur de Marie (en abrégé : Société de Marie) et celle des Prêtres du Cœur de Jésus.

Or, le Vénérable de la Mennais se trouvait en relations épistolaires avec le fondateur depuis 1797 ; ses maîtres intellectuels et spirituels, dont l'un vivait même caché dans l'hôtel familial, n'étaient autres que deux prêtres de cette Société. Quoi d'étonnant dès lors que le jeune abbé s'y fût agrégé très tôt ?

En 1802, avec la collaboration de ses deux précepteurs et confrères, le P. de la Mennais organisait une école cléricale dans sa ville natale. Des missions retentissantes occupaient les vacances, et il trouvait encore assez de temps pour travailler, de concert avec son frère Féli, à divers ouvrages d'histoire de l'Eglise. Cette vie dura dix ans.

Le même décret napoléonien de 1812 qui réunit à Verrières le Saint Curé d'Ars, le Bienheureux Champagnat et le Vénérable Colin, ferma à Saint-Malo l'école ecclésiastique du Vénérable de la Mennais. C'est alors que le P. de Clorivière nomma Jean-Marie Supérieur des Filles du Cœur de Marie dans le diocèse de Rennes. L'année suivante, Mgr Caffarelli, évêque de Saint-Brieuc, l'attira dans son diocèse pour faire de lui son secrétaire.

Cependant, le blocus continental ruinait les armateurs bretons : les la Mennais firent faillite. Connaissant l'habileté administrative de Jean-Marie, la famille le chargea de la liquidation et les créanciers purent être indemnisés aux deux tiers.

Autre souci : la mort de Mgr Caffarelli en janvier 1815. Le Vénérable fut nommé vicaire capitulaire. Comme il était le plus jeune, la plus lourde charge reposa sur ses épaules. Et durant quatre années d'activité intense, il fut le principal artisan de la restauration du diocèse.

2. — Le vicaire capitulaire de Saint-Brieuc.

Treize ans après le Concordat de Napoléon, beaucoup restait encore à rétablir ou à innover. L'épiscopat impérial était passablement panaché, et Mgr Caffarelli, tout en ne célébrant sa messe que le dimanche, faisait encore assez bonne figure1.

Le Vénérable de la Mennais commença par nettoyer les écuries d'Augias. Les prêtres scandaleux furent interdits et expulsés, les schismatiques contraints à la soumission. Le clergé, pour la première fois, fut convoqué à des retraites. Les séminaires furent réorganisés ou fondés. Le vicaire capitulaire visita personnellement les paroisses, et, cavalier entraîné, franchissait à l'occasion 120 km en une journée.

Missionnaire fougueux à l'éloquence directe, il ébranlait les populations bretonnes. La cathédrale ou l'église s'avérait-elle trop exiguë, il entraînait ses auditeurs en plein air et les haranguait du haut d'un calvaire. Sa participation à une mission était un gage de succès.

Mais il ne suffit pas de ramener les adultes égarés ; il y a plus important : empêcher la perte des générations vierges. En Bretagne comme ailleurs, l'instruction primaire était dans un état lamentable et l'âme des enfants appartenait à qui voulait s'en emparer. Le P. de la Mennais commença par rétablir les Ursulines de Lamballe dans leur couvent. N'ayant pu réunir les anciennes Ursulines de Saint-Brieuc, il fonde une association de Filles du Cœur de Marie. Trois postulantes commencent leur noviciat le 8 décembre 1818 ; elles émettent leurs vœux le 15 août 1819. Sept nouvelles postulantes se présentent : la Providence est créée. Voilà pour les filles.

Pour les garçons, il s'adresse aux Frères des Ecoles Chrétiennes ; de Lyon, le très Honoré Frère Gerbaud dicte ses conditions. Enfin, le 29 novembre 1818, 300 gamins se précipitaient dans l'école des Frères. Il n'était pas encore trop tard, mais presque.

3. — Le fondateur des Frères de l'Instruction Chrétienne et des Filles de la Providence.

En effet, déjà un maître de l'enseignement mutuel formait des moniteurs pour empêcher ou du moins anémier l'école des Frères. La lutte, inévitable, fut digne de l’Illiade. Le P. de la Mennais, dont les veines charriaient du sang de corsaire, se multiplia sur tout le front. Tantôt, comme une bombe, il lançait un pamphlet dans le public, et alors, quel tapage ! Tantôt, rusé comme un renard, il enlevait sans coup férir une position à l'autre bout du diocèse : ce fut le cas de Dinan.

Or, dans cette bataille scolaire, Jean-Marie de la Mennais était fortement secouru par un autre saint breton, le P. Gabriel Deshayes, vicaire général dans le Morbihan. Ce dernier était curé d'Auray. Dès 1811, il y avait établi une école-noviciat des Frères des Ecoles Chrétiennes, la première de toute la Bretagne. Parallèlement il reprenait un vieux projet de Jean-Baptiste de la Salle : les Frères « solitaires» des campagnes. Mais il dut attendre 1816 pour voir son dessein prendre corps. L'année suivante, il fondait ses deux premières écoles.

Un nouvel incident de la lutte allait modifier la stratégie du P. de la Mennais. Le 20 mars 1819, ayant transformé l'école mutuelle de Saint-Brieuc en école normale pour instituteurs et institutrices, le Préfet des Côtes-du-Nord invita tous les maires du département à envoyer un sujet s'y former à la méthode anticléricale. Le diocèse courait le grave danger de perdre en quelques mois ses écoles au bénéfice des libéraux voltairiens.

Il fallait réagir rapidement pour être efficace. Les Frères de son ami Deshayes ne pouvant plus suffire, le P. de la Mennais décida de fonder lui-même une congrégation analogue. Puis, par un curieux traité d'alliance, le 6 juin de la même année, les deux Supérieurs Généraux uniront leurs efforts pour créer une seule et même congrégation à deux noviciats distincts, dirigée par deux Supérieurs Généraux, chacun gouvernant les Frères de son diocèse.

L'année suivante, la retraite commune des Frères à laquelle assistait Féli, alors le champion du catholicisme en France, fit passer l'union du plan juridique au plan réel, et la congrégation, prenant à cette occasion le nom de Frères de l'Instruction Chrétienne, était née. Ils étaient au nombre de 42.

Ce succès devait comporter son revers de souffrances. Un nouvel évêque venait de prendre possession du siège de Saint-Brieuc (15-XI-1819) ; il garda l'ancien vicaire capitulaire comme vicaire général. Or le nouveau prélat se montrait si maladroit qu'il démolissait tout le bien opéré précédemment. Bientôt la position du Vénérable devint intolérable, il donna sa démission. Devant l'hostilité épiscopale, et pour affermir sa Société de Filles du Cœur de Marie, le P. de la Mennais, considérant l'action de Dieu dans ces événements étranges, rendit sa communauté indépendante et la fit approuver légalement : la congrégation des Filles de la Providence de Saint-Brieuc était née à son tour. On était dans les premiers jours de 1821.

III. — AU SERVICE DU CLERGÉ

1. — A la Grande Aumônerie.

Au moment même où Jean-Marie remettait aux Filles de la Providence leurs Constitutions, Gabriel Deshayes, co-fondateur des Frères, était, d'une façon étonnante, élu Supérieur Général de la Compagnie de Marie (Montfortains) et des Sœurs de la Sagesse2. Il partit donc d'Auray, emmenant à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée) une dizaine de postulants. Toutefois il demeura jusqu'à sa mort, survenue le 28 décembre 1841, co-Supérieur général des Frères de Ploërmel. Dans la pratique, il se contentait d'assister à la retraite annuelle, si bien qu'à partir de 1821, le P. de la Mennais gouverna seul la congrégation.

Le 1ier mai 1822, sans aucune difficulté, Louis XVIII autorisa les Frères comme instituteurs dans les cinq diocèses de l'ancienne Bretagne. Immédiatement, le Vénérable Fondateur fit imprimer les Règles ; sous le titre figuraient les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, mince cordon ombilical reliant le nouvel Institut à la Société du P. de Clorivière3.

Cependant en automne, trois lettres du roi l'arrachèrent à ses chers « Petits Frères» pour lui confier l'importante charge de Grand Vicaire du prince de Croy, Grand Aumônier de France. C'est dans cette délicate mission aux pièges subtils que l'humble prêtre rendit un service incalculable à l'Eglise : il nomma une quarantaine d'évêques « attachés de tout cœur aux doctrines du Siège Apostolique », et c'est lui encore qui proposa Mgr de Pins comme Administrateur du diocèse de Lyon, sauvant ainsi l'Institut naissant du P. Champagnat. Quant à lui-même, il déclina plusieurs fois l'honneur de l'épiscopat.

Une mystérieuse campagne électorale menée de concert avec son frère Féli contre les candidats gouvernementaux le rendit à la vie privée et à la Bretagne. C'était en 1824, l'année du transfert à Ploërmel du noviciat des Frères.

2. — Les Prêtres de Saint-Méen et la Congrégation de Saint-Pierre.

La vie communautaire bourgeonnait alors dans tous les coins de France : chaque diocèse avait une ou plusieurs sociétés de prêtres en gestation. Or, dans celui de Rennes

un groupe de missionnaires désirait se lier par les vœux de religion ; les professeurs du petit séminaire de Saint-Méen4 partageaient les mêmes aspirations. Il ne fut pas difficile à Jean-Marie de la Mennais d'unir, en 1825, ces deux groupements en une seule congrégation, celle des Prêtres de Saint-Méen. Leur but : la prédication et l'enseignement secondaire dans les petits séminaires de Bretagne.

De son côté, Féli de la Mennais, qui s'était laissé ordonner en mars 1816 et maintenant célèbre non seulement en France mais encore à l'étranger, avait réuni des disciples à la Chesnaie, propriété familiale. En 1828, les deux frères unirent, l'un sa congrégation de Saint-Méen, l'autre son école de la Chesnaie, et créèrent la Congrégation de Saint-Pierre, puissante organisation destinée à promouvoir dans l'Europe entière l'ultramontanisme et la liberté en détruisant le gallicanisme théologique et politique. Bientôt affluèrent des noms illustres : Lacordaire, Salinis, Gerbet, Blanc, Rohrbacher, Maupied, de Hercé, Montalembert... Il en vint de Pologne, il en vint de New-York. Le Supérieur Général, secret, n'était autre que le célèbre Féli ; l'administration effective était remise entre les mains de Jean-Marie.

Dans les journaux, la bataille grondait. Tour à tour, le monopole universitaire et le gallicanisme encaissaient les coups vigoureux de la jeune école. Dans les séminaires, les lévites regardaient vers la Bretagne : les évêques gallicans tremblaient et guettaient le moindre faux-pas pour sonner la curée.

3. — La catastrophe.

La lutte portait sur des questions plus que délicates, les glissades étaient fatales. Le 15 août 1832, Mirari vos condamnait les doctrines de l'Avenir. Avec une persévérance qui actuellement déconcerte, mais certainement diabolique, le clergé gallican mit tout en œuvre pour envenimer la plaie et empêcher une honorable rétractation du Maître. Poussé à bout, Féli réagit violemment : les Paroles d'un Croyant rendirent publique sa révolte contre l'Eglise qu'il avait jusque-là défendue si brillamment. Une nouvelle encyclique, Singulari nos (25 juin 1834) anathémisa les doctrines sociales menaisiennes et le système philosophique du « Sens Commun » qui lui servait de base.

Ce fut la catastrophe (une des plus grandes de l'Eglise dans l'Europe moderne).

Le Vénérable de la Mennais, en essayant de ménager son frère pour le ramener, devint rapidement suspect. Elu Supérieur Général de la Congrégation de Saint-Pierre à la place de Féli interdit, il dut donner sa démission, et le 22 octobre 1834, l'évêque de Rennes l'expulsa de la Congrégation dont il était le fondateur.

Avec quelques ecclésiastiques demeurés fidèles, Jean-Marie tenta de rétablir la Congrégation de Saint-Pierre sur de nouvelles assises dans le diocèse de Vannes, en 1835. Mais au bout de deux ans, elle se disloqua et une partie de ses membres se retira à Oullins (4 km de Saint-Genis-Laval) pour donner naissance, grâce à l'impulsion de Lacordaire, au Tiers Ordre enseignant de Saint-Dominique5.

De son côté, le groupe resté dans le diocèse de Rennes et qui venait de chasser le P. de la Mennais, reprit le programme des Prêtres de Saint-Méen, et sous le nom de Missionnaires de l’Immaculée-Conception dura jusqu'en 1916. Il se montra toujours hostile au Vénérable et travailla à détacher de lui ses Filles de la Providence. Il réussit en partie, et ce fut l'origine des Sœurs de F Immaculée-Conception.

Mais la plus douloureuse défection, le martyre de Jean-Marie, fut l'apostasie de Féli qui mourut le 27 février 1854, sans donner signe de repentir et après avoir exprimé par écrit sa volonté d'être enterré sans croix dans la fosse commune.

IV. — L’IGNORANTIN BAS-BRETON

1. — Les Frères en Bretagne.

Cependant, tous ces terribles malheurs n'entravèrent pas sérieusement les progrès de l'œuvre essentielle du P. de la Mennais : celle de l'enseignement primaire catholique.

En 1820, les Frères étaient 42 dans 17 établissements ; en 1850, 719 dans 236.

Mais ici encore, que de combats ! En 1834 s'ouvrait un débat à la Chambre des Députés sur des accusations calomnieuses portées contre les Frères de l'Instruction Chrétienne ; on prétendait qu'ils étaient affiliés aux Jésuites, qu'ils abrutissaient les enfants et arrêtaient les progrès de la civilisation.

En 1838, c'était Mgr l'évêque de Saint-Brieuc qui interdisait au Vénérable la célébration de la messe et l'administration des sacrements dans son diocèse, parce que le clergé avait trop confiance en Jean-Marie et le consultait trop souvent. Et sans plus de façons, il se proposait de fonder une congrégation de Frères analogue à celle des Frères de l'Instruction Chrétienne, placée sous son autorité spéciale et destinée à remplacer dans les 70 écoles de son diocèse les Frères du P. de la Mennais.

Il est impossible de relater ici toutes les phases des multiples combats que le Serviteur de Dieu soutint pour la défense de l'enseignement chrétien : un jour, il ne comptait pas moins de dix procès à la fois ! Heureusement, il savait trouver aide et compréhension dans certains milieux gouvernementaux. Ainsi, le protestant Guizot admirait sincèrement le vaillant homme ; bien plus, lorsque revenu à la vie privée, désabusé de ses illusions sur l'école normale, il résolut de fonder en 1851 une école dans sa commune, c'est à Jean-Marie de la Mennais qu'il adressera une belle et humble lettre pour lui demander un de ses « Petits Frères6 ».

2. — Influence hors de Bretagne.

La majorité des écoles étaient à un seul Frère qui logeait au presbytère ; M. le Curé était son directeur. Ce système, postulé par les faibles ressources des petites communes, réclamait du Supérieur Général une vigilance perpétuelle, une correspondance et des visites nombreuses. « Disperser mes sujets, disait-il, ce serait détruire ma Congrégation. »

Nous trouvons ici l'explication de la limitation, en France, à la seule Bretagne, des Frères de Ploërmel. De l'avis de son Fondateur, l'Institut ne devait pas, d'un côté, être enfermé à l'intérieur d'un seul diocèse, sous peine de perdre sa vie propre, de n'avoir point de recrutement suffisant et d'être gêné dans les placements. D'un autre côté, en se bornant aux cinq diocèses bretons, on assurait à l'Institut une extension suffisante, tout en permettant l'administration directe du Supérieur Général, car le P. de la Mennais ne voulut ni Visiteurs ni Provinciaux ni même Assistants.

Et cependant il n'existe peut-être pas un seul diocèse français qui n'ait demandé à Ploërmel des Frères ou un noviciat. De l'étranger même arrivaient des lettres suppliantes : de Savoie, de Belgique, de Pologne, de Prusse d'Autriche, de Russie, du Canada, des U.S.A., de l'Inde, de la Malaisie... Le P. de la Mennais leur répondait régulièrement par un refus : tout au plus leur conseillait-il de lui envoyer quelques postulants qu'il formerait à Ploërmel avant de les laisser retourner dans leur diocèse d'origine pour fonder une Congrégation semblable à la sienne. Telle fut l'origine des Frères de Gascogne, des Frères de Normandie7 et des Frères d'Angleterre. On sait aussi aver quelles instances inutiles M. Mazelier sollicitait la fusion des Frères de Saint-Paul-Trois-Châteaux avec ceux de Bretagne qu'il imitait en tout.

3. — Les Frères dans les colonies.

A ce refus obstiné de quitter la Bretagne, il y a une importante dérogation : celle des colonies françaises. Etait-ce en souvenir de l'antique commerce de ses aïeux ? Probablement que non. Le P. de la Mennais y voyait une œuvre de dévouement qui pouvait servir à exciter le zèle et la ferveur des Frères. Pour cette entreprise, il adopta un système différent de celui utilisé en France : plus de Frères isolés demeurant chez MM. les Curés, mais de-communautés avec Supérieur local, voire même, comme dans les Antilles, avec un Directeur Général.

Le 7 février 1838, les cinq premiers Frères débarquaient à la Guadeloupe ; le 31 décembre 1839, cinq autres à la Martinique ; en décembre 1841, deux Frères, dont un créole, prenaient pied à Saint-Louis du Sénégal. En 1842, Cayenne, dans la Guyane, et Saint-Pierre et Miquelon, près de Terre-Neuve, recevaient les leurs. Ainsi, au moment où le Vénérable Frère François multipliait les noviciats des Petits Frères de Marie en France, le Vénérable de la Mennais prenait en main toute l'instruction primaire et toute l'éducation chrétienne des garçons des colonies françaises.

Ce fut une œuvre merveilleuse, la plus belle épopée missionnaire des Frères Enseignants en pays de missions au XIXe siècle. Soutenus par le Gouvernement de Paris — (en 1850, rien que pour la Guadeloupe, il avait voté 96.700 F, soit environ 20 millions de francs, aux Frères) — combattus par les colons égoïstes, ils avaient préparé les esclaves à leur affranchissement. Non seulement le jour ils instruisaient les enfants dans les classes, mais le soir, ils enfourchaient le cheval et allaient catéchiser les adultes dans les plantations. Grâce à leur apostolat, les premières communions se multipliaient, les mariages se légitimaient, les affranchis reprenaient goût au travail. Et lorsqu'en 1848, les esclaves révoltés marchaient en rangs serrés sur Fort-de-France, le gouverneur de la Martinique ne trouva plus d'autre ressource pour les arrêter que de leur envoyer un « Petit Frère » de Bretagne.

En 1850, les colonies possédaient près de quarante établissements de Frères de Ploërmel.

V. — CONCLUSION

Situation actuelle des Frères.

Vous reconnaîtrez les Frères de l'Instruction Chrétienne d'abord à leur sourire et à leur gentillesse ; vous pourrez également inspecter leur costume. La soutane, dont la confection réclame une main habile, dérive visiblement de l'ancienne redingote ; elle ne comporte donc ni ceinture ni rabat. Une croix pareille à la nôtre est glissée dans une petite ganse sur la poitrine. Enfin, un petit camail complète l'ensemble avec élégance.

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