SAINTE MATHILDE
SAINTE MATHILDE - REINE (+ 968) 1. VIE. — Mathilde (latin Mathildis), vulgairement appelée Maude ou Mahaut, eut pour père le comte Thierry ou Dietrich de Saxe, descendant du fameux Witikind (voir 7 janvier), prince des Saxons, et pour mère la comtesse Reinhilde, du sang des princes de Danemark et de Frise. Elle naquit vers 875, et fut élevée par son aieule Mathilde, alors abbesse des bénédictines de Hereford. On l’instruisit des saintes Écritures, en même temps qu’elle se rendait habile au travail des mains ; aimable et candide, active, chaste, généreuse, elle fut comblée par le ciel de toutes les grâces. En 909 (ou 913), elle épousa Henri l’Oiseleur, fils d’Othon, duc de Saxe. Trois ans après, par la mort de son beau-père, elle devenait duchesse de Saxe ; en 919, elle était reine d’Allemagne par l’élection de son mari comme successeur du roi Conrad. Dieu, par cette élévation extérieure, voulait mettre dans un plus grand jour les grâces de sa fidèle servante et les vertus dont son âme était ornée. Elle montra toujours une soumission parfaite et une fidélité inviolable envers son époux ; elle n’eut avec lui qu’un coeur, un esprit, une même volonté. Ils faisaient ensemble leurs aumônes et leurs libéralités ; bâtissaient des monastères et des hôpitaux ; dans l’intimité, ils accomplissaient en commun leurs exercices de piété. Pendant que Henri portait ses armes victorieuses dans le pays de ses ennemis, qu’il rendait tributaires les Danois et les Esclavons, soumettait la Bavière et la Bohême, Mathilde visitait, nourrissait, servait les pauvres de Jésus-Christ, les malades et les prisonniers. Mathilde, au faîte des grandeurs, ne s’en laissa point éblouir ; elle en découvrit de plus près la fausseté et la vanité. Son élévation au-dessus des hommes servit plutôt à la rabaisser davantage devant Dieu son humilité lui assura presque autant de mérites qu’aux vierges consacrées à Dieu par leur virginité. Elle pratiquait d’ailleurs leurs austérités et leurs mortifications, refusait à ses sens les plus innocentes satisfactions ; volontiers aussi elle sacrifiait son repos pour l’accomplissement des bonnes oeuvres. Son union fut bénie de Dieu elle eut trois fils, Othon le Grand qui fut empereur d’Allemagne, Henri qui fut duc de Bavière et Brunon, qui fut archevêque de Cologne ; puis deux filles dont l’une, Gerberge, épousa Louis d’Outremer, roi de France, et l’autre, Hedwige, fut mariée à Hugues le Grand, père de Hugues Capet. Mathilde donnait à la prière tout le temps que lui laissaient ses oeuvres de miséricorde et ses devoirs d’état ; elle travaillait sans relâche à sa sanctification, tâchait d’attirer sur son époux et sur ses enfants les grâces nécessaires à leur propre sanctification. Elle eut pour tous une affection égale ; elle avait pourtant plus de tendresse pour Henri qu’elle considérait comme son premier-né de reine. Henri d’ailleurs avait un naturel plus doux et plus aimable. Cette prédilection fit naître entre les deux frères, Othon et Henri, une fâcheuse jalousie. Mathilde dut reconnaître ses torts en souhaitant la couronne à Henri au préjudice d’Othon : elle fit pénitence de cette faiblesse et dut constater dans la suite que Dieu ne favorisait pas de telles inclinations. L’épreuve la plus rude qu’il lui fallut subir fut la mort du roi son mari, avec lequel elle avait vécu 23 ans dans une parfaite union (936). Soutenue du ferme espoir de le retrouver un jour dans l’autre vie, elle essuya ses pleurs oubliant son propre chagrin, elle songea avant tout aux intérêts spirituels du chef défunt, recommanda son âme à Dieu, fit célébrer des messes à son intention, veilla à ce que son corps fût porté à Quedlinbourg, lieu qu’il avait désigné pour leur commune sépulture. Puis, elle rassembla ses enfants, leur adressa de pieuses et pressantes exhortations ; elle les supplia surtout de conserver la crainte de Dieu, de lui demeurer fidèles, de s’entr’aimer sans jalousie ni discorde. Hélas ! ces conseils ne furent pas écoutés : tout d’abord ; les deux aînés prétendaient tous deux à la couronne du père. Malgré les désirs de Mathilde, dont les préférences, avons-nous dit, allaient à Henri, Othon fut choisi par la majorité des chefs et fit sentir à sa mère ses ressentiments. D’un autre côté, Dieu permit qu’Henri lui-même se montrât ingrat à l’égard de la prédilection maternelle. Des flatteurs indisposèrent par leurs calomnies l’esprit des deux frères contre Mathilde : la vertu de la reine leur devint odieuse, ils portèrent envie aux pauvres qu’elle assistait. Ils allèrent jusqu’à dire qu’elle avait amassé des richesses immenses pour les dissiper ensuite par sa mauvaise conduite, qu’elle avait indiscrètement dépensé l’épargne du roi, son époux, qu’elle avait appauvri et épuisé le trésor de l’Êtat. Sur tout autre point, Othon et Henri ne pouvaient s’entendre, mais ils se concertèrent pour arrêter les charités de Mathilde ; ils la dépouillèrent de ce qu’elle possédait, voulurent la chasser du domaine qu’elle avait reçu en dot et l’obliger à prendre le voile. Alors, elle se réfugia au couvent d’Engerhen en Westphalie où elle continua de mener une vie sainte ; sa patience et sa résignation furent vraiment chrétiennes ; il ne lui échappa aucune plainte, aucun mot de reproche ou de blâme contre ses enfants. A qui lui marquait de l’indignation pour une conduite si criminelle, elle se contentait de répondre qu’ils étaient les exécuteurs de la volonté de Dieu sur son âme : "Mon fils Othon", disait-elle, "me traite comme je l’ai mérité. Pour mon fils Henri, que j’ai tant aimé et que j’aimerai toujours également, je ne puis croire qu’on ne m’ait point enlevé son coeur malgré lui. On prévoyait qu’il devait être ma consolation et mon appui, et l’on a jugé à propos de m’enlever cette ressource. Dieu soit loué ! et qu’à moi près, il veuille par sa miséricorde les réconcilier entre eux !" Dieu permit que ces malheureux enfants, après avoir tourmenté une si bonne mère quand ils l’avaient près d’eux, fussent tourmentés à leur tour de son absence et de son éloignement. Othon échoua dans toutes ses entreprises, Henri fut atteint d’une grave maladie. Les évêques et les prêtres saisirent cette occasion de faire rentrer en eux-mêmes ces indignes enfants ; ils employèrent la reine Edith, femme d’Othon, et princesse d’une grande vertu, pour inspirer à son époux la juste horreur de sa conduite et le porter à faire revenir immédiatement sa mère auprès de lui. Othon députa vers Mathilde des évêques, ducs et comtes, et les personnes les plus sages de ses conseils pour aller lui demander pardon en son nom, et la conjurer de rentrer en son palais. Mathilde reconnut alors que Dieu avait exaucé ses prières ; elle se mit en chemin avec les députés. Othon vint à sa rencontre, accompagné de la reine Édith et des principaux seigneurs de sa cour ; dès qu’il l’aperçut, il descendit de cheval, se jeta à ses pieds, et lui fit satisfaction en termes humbles et touchants. Henri, excité par cet exemple, vint aussi faire sa soumission à sa mère, et en obtint le pardon avec une même facilité. Mathilde profita du calme où Dieu l’avait fait rentrer pour édifier le prochain et servir les pauvres. De concert avec le roi Othon, elle fit bâtir des églises, des hôpitaux et d’autres maisons consacrées à la gloire de Dieu. Ce fut alors qu’elle construisit le célèbre monastère de Polden, dont on a perdu la trace, maison où trois mille clercs publiaient constamment les louanges de Dieu. La mort de son fils Henri lui fut très sensible. Plus elle avançait en âge, plus elle montrait d’ardeur pour se conformer à Jésus dans son humilité et sa patience ; elle augmenta autant que ses forces le lui permirent ses veilles et ses abstinences ; elle se relevait la nuit à l’insu de tout le monde, et, avant le chant du coq, elle avait ordinairement récité les cent-cinquante psaumes. Depuis la réconciliation de ses enfants, Mathilde les gouverna toujours par ses sages conseils ; elle forma elle-même ses petits-enfants à la piété. En 962, son fils aîné Othon fut proclamé empereur et couronné à Rome avec Adélaide qu’il avait épousée en secondes noces ; cette élévation fut pour Mathilde un sujet d’inquiétude plutôt que de réjouissance, car il l’avait chargée en son absence de l’administration des affaires, et ce surcroît de gloire créait à Othon de nouvelles obligations. A son retour d’Italie, le nouvel empereur alla visiter sa mère à Cologne où elle se trouvait près de l’archevêque Brunon, son fils ; ils allèrent ensemble à Northausen en Thuringe où Mathilde avait fondé un grand monastère de filles. Là se fit la séparation, car Mathilde voulait demeurer près des religieuses pour mieux se préparer à la mort. Bientôt après, elle fut attaquée d’une fâcheuse maladie ; elle put néanmoins visiter encore les établissements qu’elle avait fondés dans la Saxe. Se sentant faiblir, elle quitta Northausen vers la fin de 967 pour se rendre à Quedlinburg où devait se faire sa sépulture auprès de son mari. La fièvre lente qui l’incommodait depuis quelques mois augmenta notablement. Alors elle donna le reste de ses biens aux évêques et autres ecclésiastiques présents, leur recommanda de tout distribuer en aumônes, reçut les derniers sacrements des mains de son petit-fils l’archevêque de Mayence. Quand, après quelques jours, celui-ci l’eût quittée pour aller régler les affaires de son diocèse, elle manda auprès d’elle l’abbesse de Northausen elle lui dit : "Que donnerons-nous à mon petit-fils l’archevêque de Mayence qui vient de nous quitter ?" « Vous n’avez plus rien, répondit l’abbesse, vous avez fait tout vendre, meubles et vaisselle, pour en distribuer le produit aux pauvres ; il ne vous reste que les draps mis en réserve pour vous ensevelir." - « Donnez-les, reprit Mathilde, à mon petit-fils qui en aura besoin avant moi." Comme l’archevêque avait voulu laisser auprès d’elle un de ses ecclésiastiques, Mathilde s’y était refusée « Il vous sera plus utile qu’à moi-même ", lui avait-elle dit. Elle annonçait assez clairement par là que l’archevêque de Mayence la précéderait dans la tombe, ce qui se réalisa en effet deux ou trois jours après son départ, elle apprenait la mort subite de l’archevêque. Sentant approcher sa dernière heure, Mathilde fit assembler les ecclésiastiques de sa maison, les religieuses et, à leur tête, la jeune abbesse, sa petite-fille qui portait son nom. Elle régla elle-même ce qu’il y avait à faire pour ses obsèques, donna à tous des leçons de piété et de sagesse, notamment à sa petite-fille, Mathilde, qu’elle consola ; elle rappela à celle-ci qu’elle l’avait recommandée avec son couvent à la sollicitude d’Othon et que d’ailleurs elle devait se confier à Dieu. Elle renouvela sa confession, fit célébrer la sainte messe, reçut le corps de Jésus-Christ comme un préservatif contre les dernières attaques du démon. Etant sur le point d’expiier, elle fit mettre à terre un cilice, demanda à y être étendue pendant qu’on répandrait des cendres sur sa tête : elle s’endormit paisiblement dans le Seigneur après avoir tracé sur elle-même le signe de la croix (14 mars 968). II. CULTE. - Mathilde fut inhumée, suivant son désir, dans l’église de Saint-Gervais (ou Servat) à Quedlinburg près du roi Henri, son époux. Presque au lendemain de sa mort, tous célébrèrent sa sainteté. Les ravages des guerres de religion en Allemagne ont effacé bien des traces du culte qu’on lui rendait. Un calendrier publié à Rome en 1581, mentionne au 14 mars sainte Mathilde, reine de Germanie et la représente à genoux devant un autel avec sa couronne royale. Les martyrologes semblent insinuer qu’elle mourut ou fut enterrée à Halberstadt dans le pays de Brunswick ; et le martyrologe romain nomme en effet cette localité. On peut expliquer ce détail en disant que Quedlinburg appartenait alors au même diocèse que Halherstadt. La communauté de Quedlinburg passa au protestantisme et embrassa la confession d’Augsbourg en 1539. De nos jours, le culte de la sainte semble renaître dans la ville même où ses reliques sont enfermées au fond d’un temple luthérien : une église catholique lui a été dédiée à Quedlinburg en 1858, et, depuis 1884, on fait mémoire de sa fête dans le bréviaire de Paderborn.
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