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Saint EDWARD KING


Saint Edouard le Confesseur Roi d'Angleterre (+ 1066)


Le roi Ethelred II eut d’Elvige, sa première femme, Edmond, surnommé Côte de fer, qui lui succéda. Il épousa depuis Emme, fille de Richard Ier, duc de Normandie ; il en eut deux fils, Alfred et Edouard.


Le règne d’Ethelred fut malheureux parce qu’il fut faible. Les Danois, qui depuis environ soixante ans n’avaient point inquiété la Grande-Bretagne, vinrent l’attaquer de toutes parts, et y commirent d’horribles ravages. Ethelred acheta d’eux une paix honteuse, et ne rougit pas de s’engager à leur payer tous les ans un tribut considérable, qui fut levé par une taxe à laquelle on donna le nom de Danegelt.

Swein, ou Suénon, roi des Danois, fit la conquête de toute l’Angleterre peu de temps après, en 1015. Ce prince mourut la même année, laissant un fils nommé Knut ou Canut (que l’on ne confondra pas avec saint Canut III d’Odensée, roi de Danemark et martyr, petit neveu de ce Canut, dont le père fut Suénon II, et que l’on fête au 19 janvier).

Ethelred, qui s’était retiré en Normandie, revint en Angleterre, lorsqu’il eut été instruit de la mort de Suénon, et il remonta sur le trône ; mais il mourut l’année suivante, laissant encore la Mercie et quelques provinces de ses Etats entre les mains des Danois.


Edmond Côte de fer se présenta pour lui succéder. Malheureusement pour lui, il avait affaire à des ennemis puissants, et il lui fallut livrer plusieurs batailles. Enfin, les choses en vinrent au point que l’on proposa de part et d’autre un traité ; il fut conclu près de Gloucester et l’on arrêta que Canut aurait le royaume de Mercie, de Northumberland (ou Northumbrie) et d’Est-Anglie.


Peu de temps après, Edmond fut indignement assassiné par un Danois qu’il avait comblé de bienfaits. Le Danois Canut profita de cette occasion pour s’emparer de toute l’Angleterre.


Emme s’était retirée en Normandie avec ses deux fils Alfred et Edouard. Canut la demanda en mariage au duc Richard son frère, et elle lui fut accordée ; mais les deux jeunes princes restèrent en Normandie, à la cour de Richard II et de ses successeurs, Richard III, et Guillaume le Conquérant.


Canut régna dix-neuf ans en Angleterre. Il fut magnifique, libéral, brave et zélé pour la religion ; mais l’ambition ternit l’éclat de ses vertus. Il mourut en 1036, et ses Etats furent partagés entre ses enfants : Suénon eut la Norvège, Harold l’Angleterre, et Hardi-Cajut le Danemark.


Alfred et Edouard vinrent de Normandie à Winchester pour voir Emme leur mère. Godwin, qui commandait dans le West-Sex et qui avait contribué principalement à établir l’autorité d’Harold dans cette partie de l’Angleterre, convint avec le roi d’attirer les deux princes à la cour, dans le dessein de les faire périr secrètement. Emme, se défiant de ce qui se tramait, craignit pour ses enfants ; elle se contenta d’envoyer Alfred et garda Edouard près d’elle.


Godwin alla au devant d’Alfred et se saisit de sa personne : il le fit d’abord enfermé au château de Guilford d’où il fut conduit ensuite Ely. On lui creva les yeux, et on le mit dans un monastère où il mourut peu de jours après.


Edouard retourna promptement en Normandie et Emme se retira chez le comte de Flandres.


Après la mort d’Harold, qui arriva en 1039, Hardi-Canut vint en Angleterre avec quarante vaisseaux et s’y fit reconnaître roi. Le prince Edouard y vint aussi de Normandie, et il fut reçu par le nouveau roi avec les égards qui lui étaient dus.


Il demanda vengeance de la mort de son frère ; mais Godwin l’évita, en faisant serment qu’il n’avait point eu part dans la triste fin d’Alfred.


Hardi-Canut, prince vicieux, mourut subitement en 1041. Suénon, autre fils de Canut, existait encore et régnait en Norvège ; mais les Anglais, las de vivre sous la domination de rois étrangers et qui les traitaient avec indignité, résolurent de rétablir sur le trône leurs princes légitimes. C’était l’unique moyen qu’ils eussent de s’affranchir d’un joug pesant qu’ils portaient avec impatience depuis plus de quarante ans. D’un autre côté, les vertus d’Edouard avaient gagné les ennemis de sa famille, et tout le monde s’accordait à vouloir lui rendre la couronne de ses pères. Léofrick, comte de Mercie, Siward, comte de Northumberland, et Godwin, comte de Kent – qui était en même temps gouverneur du royaume de West-Sex, les trois hommes les plus puissants de la nation, furent les principaux auteurs de la révolution qui fit rentrer l’Angleterre sous la domination de ses véritables maîtres.


Edouard avait été formé à l’école de la vertu, et il en avait fait un bon usage. Il savait apprécier à leur juste valeur les biens de ce monde visible. Jamais il n’avait cherhcé de consolation ailleurs que dans la vertu et la religion. Elevé dans le palais du duc de Normandie, il avait su se préserver de la corruption des vices qui régnaient à la cour de ce prince ; il s’appliqua même à acquérir les vertus contraires dès son enfance ; il était fidèle aux pratiques que prescrit le christianisme, et il aimait à converser avec les personnes de piété. Toutes ses actions étaient extérieures portaient l’empreinte de la modestie. Il parlait peu, mais ce n’était ni par ignorance, ni par défaut de talent ; tous les historiens s’accordent en effet à dire qu’il était d’une gravité et d’une sagesse au-dessus de son âge. Son amour pour le silence venait donc d’un fond d’humilité et de la crainte de perdre le recueillement ou de tomber dans les fautes qu’entraîne ordinairement la démangeaison de parler. Son caractère était composé de l’heureux assemblage de toutes les vertus chrétiennes et morales. On distinguait cependant en lui une douceur admirable, qui avait sa source dans une humilité profonde et dans une tendre charité qui embrassait tous les hommes. Il était aisé de s’apercevoir qu’il était entièrement port à lui-même : de là cette horreur pour l’ambition et pour tout ce qui pouvait flatter les autres passions.


S’il monta sur le trône de ses ancêtres, c’est qu’il y fut appelé par la volonté de Dieu ; aussi ne se proposa-t-il d’autre but que de faire aimer la religion et de venir au secours d’un peuple malheureux. Il était si éloigné de tout sentiment d’ambition, qu’il déclara refuser la plus puissante monarchie, si, pour l’obtenir, il fallait faire couler le sang d’un seul homme. Les ennemis mêmes de la famille royale se réjouirent de le voir sur le trône. Tous se félicitaient d’avoir un saint pour roi, surtout après tant de malheurs sous le poids desquels la nation avait gémi ; ils espéraient que les maux publics et particuliers allaient être réparés par sa piété, sa justice et sa bienfaisance.


Edouard fut sacré le jour de Pâques de l’année 1042, à l’âge d’environ 40 ans.


Malgré les circonstances critiques dans lesquelles il monta sur le trône, son règne fut l’un des plus heureux qu’on eut jamais vus. Les Danois même établis en Angleterre le craignaient, l’aimaient et le respectaient. Quoiqu’ils se regardassent comme maîtres du pays en vertu d’un prétendu droit de conquête, qu’ils en eussent été maîtres pendant quarante ans, et qu’ils eussent rempli de leurs colonies les royaumes de Northumberland, de Mercie et d’Est-Anglie, on ne les vit cependant s’agiter nulle part, et depuis le temps dont nous parlons, il ne fut plus question d’eux en Angleterre.


Pontan, un de leurs historiens, calomnie les Anglais, lorsqu’il les accuse d’avoir massacré tous les étrangers sous le règne d’Edouard. Une pareille entreprise aurait été aussi dangereuse qu’injuste et barbare ; son exécution aurait sans doute fait plus d’éclat qu’un massacre arrivé sous Ethelred II, dans un temps où les Danois étaient moins puissants et moins nombreux.


Si l’on demande ce que devinrent ceux dont il s’agit, nous répondrons que s’étant mêlés avec les Anglais, ils ne firent plus bientôt qu’un même corps de peuple avec eux, à l’exception de quelques uns d’entre eux qui retournaient de temps en temps dans leur patrie.


Suénon, fils de Canut, qui régnait en Norvège, équipa une flotte pour venir attaquer l’Angleterre. Edouard mit son royaume en état de défense, et envoya en Danemark Gulinde, nièce de Canut, de peur que si elle restait en Angleterre elle ne favorisât secrètement l’invasion projetée.


Sur ces entrefaites, le roi de Danemark, appelé aussi Suénon, fit une irruption dans la Norvège et fit ainsi échouer l’expédition contre les Anglais. Peu de temps après, Suénon fut détrôné par Magnus, fils d’Olaüs le Martyr, que Canut le Grand avait dépouillé de la Norvège.


En 1046, des pirates danois se présentèrent à Sandwich, puis sur les côtes d’Essex ; mais la vigilance des principaux officiers d’Edouard les força de se retirer avant qu’ils eussent pu ravager le pays, et ils n’osèrent plus reparaître par la suite.


Edouard n’entreprit qu’une seule guerre, qui eut pour objet de rétablir Malcolm, roi d’Ecosse, et qui se termina par une victoire glorieuse. Il y eut quelques mouvements à l’intérieur du royaume, mais ils furent apaisés avec autant de promptitude que de facilité. On vit alors ce que peut un roi qui est véritablement le père de ses sujets. Tous ceux qui approchaient de sa personne essayaient de régler leur conduite sur ses exemples. On ne connaissait à sa cour i l’ambition, ni l’amour des richesses, ni aucune de ces passions qui, malheureusement, sotn si communes parmi les courtisans et qui préparent peu à peu la ruine des Etats. Edouard paraissait uniquement occupé du soin de rendre ses peuples heureux et d’établir une société qui favorisât le salut du plus grand nombre de ses sujets.


Il diminua les impôts et chercha tous les moyens de ne laisser personne en souffrance. Comme il n’avait point de passion à satisfaire, tous ses revenus étaient employés à récompenser ceux qui le servaient fidèlement, à soulager les pauvres, à doter les églises et les monastères. Il fit un grand nombre de fondations dont le but était de faire chanter à perpétuité les louages de Notre Seigneur Jésus-Christ ; les divers établissements qu’il fit ne furent jamais à la charge du peuple. Les revenus de son domaine lui suffisaient pour toutes les bonnes œuvres qu’il entreprenait. On ne connaissait point encore les taxes, ou l’on y avait recours qu’en temps de guerre ou de nécessités pressantes. Le saint roi abolit le Danegelt.


Les grands du royaume, s’imaginant que le saint roi avait épuisé ses finances par ses aumônes, levèrent une somme considérable sur leurs vassaux sans l’en prévenir, et la lui apportèrent comme un don que lui faisaient ses peuples pour l’entretien de ses troupes, et pour les autres frais occasionnés par les dépenses publiques.


Saint Edouard, ayant appris ce qui s’était passé, remercia ses sujets de leur bonne volonté et voulut que l’on rendît l’argent à tous ceux qui avaient contribué à former la somme. Toute sa conduite annonçait qu’il était parfaitement maître de lui-même ; il avait une égalité d’âme qui ne se démentait dans aucune circonstance, sa conversation était agréable mais toujours accompagnée d’une majesté qui inspirait le respect. Il aimait, il est vrai, surtout parler à Dieu et des choses spirituelles.


Edouard avait toujours fait une estime particulière de la pureté, et il conserva cette vertu sur le trône par l’amour de la prière, par la fuite des occasions, par la pratique de l’humilité et de la mortification. Il veillait avec soin sur tous ses sens et prenait les précautions les plus sages pour se garantir de la moindre souillure. Cependant on désirait le voir marié, et il ne put résister aux instances que la noblesse et le peuple lui faisaient à cet égard.


Godwin mit tout en œuvre pour que le choix du prince se fixât sur Edithe, sa fille, qui joignait une vertu éminente à toutes les qualités du corps, de du cœur et de l’esprit. Une chose arrêtait le roi : c’est qu’il avait fait vœu de garder une chasteté perpétuelle. Il se recommanda à Dieu, puis il découvrit à celle qu’on lui proposait pour épouse l’engagement qu’il avait contracté. Edithe entra dans ses vues, et ils convinrent l’un et l’autre qu’ils vivraient dans l’état du mariage comme frère et sœur.


C’est par un effet de la calomnie que quelques écrivains ont attribué la résolution de saint Edouard à la haine qu’il aurait portée à Godwin. De tels sentiments sont incompatibles avec la haute vertu dont il faisait profession ; il était d’ailleurs incapable de traiter, avec l’injustice qu’on lui suppose, un princesse accomplie, à laquelle il s’était uni par les liens les plus sacrés.


Godwin était le sujet le plus riche et le plus puissant du royaume. Canut l’avait fait général de son armée, l’avait créé comte de Kent et lui avait fait épouser sa belle-sœur. Il fut ensuite grand trésorier de duc de West-Sex, c’est-à-dire général de toutes les armées au midi de la Mercie. Dévoré par l’ambition, il viola souvent les lois divines et humaines. Swein, le plus jeunes de ses fils, marcha sur ses traces et porta même le libertinage jusqu’aux excès les plus coupables. Edouard le punit par l’exil, mais il lui pardonna dans la suite. Godwin lui-même, s’étant rendu coupables de plusieurs crimes, fut menacé de proscription s’il ne paraissait pas devant le roi alors qu’il était à Gloucester.


Il refusa d’abord et prit la fuite ; mais il revint bientôt avec une armée pour attaquer le roi. Quelques uns de ses amis demandèrent sa grâce, et, quoique Edouard fut vainqueur, il lui pardonna et le rétablit dans son premier état.


Pendant la rébellion de Godwin, on crut nécessaire de renfermer Edithe dans un monastère de peur qu’on ne ses servit de sa dignité pour exciter les vassaux et les amis de son père. Malgré cette précaution, saint Edouard n’en était pas moins attaché à la reine, qui de son côté l’aimait tendrement, et ils vécurent toujours l’un de l’autre dans l’union la plus intime et la plus parfaite.


En 1053, le comte Godwin fut emporté par une mort subite. Harold, son fils, lui succéda dans toutes ses dignités. Il vainquit le roi des Gallois méridionaux, qui faisaient des incursions dans les Etats de saint Edouard. Quelques années après, ce prince fut fait prisonnier et mis à mort par le roi des Gallois septentrionaux. Celui-ci envoya la tête de son ennemi à Harold, afin qu’il la présenta à Edouard. Le saint roi, naturellement généreux, laissa ces provinces conquises par ses troupes, dans le Pays de Galles, aux deux frères du prince qui venait de périr.


En 1058, saint Edouard perdit le pieux et brave Siward. C’était lui qui, l’année précédente, avait rétabli Malcolm III sur le trône d’Ecosse, dont l’usurpateur Macbeth l’avait dépouillé. Dans cette guerre, Siward donna la plus haute idée de son courage. Quelqu’un lui ayant appris que son fils avait été tué sur le champ de bataille, il demanda s’il était blessé par devant ou par derrière ; et comme on lui assura qu’il était tombé les armes à la main et qu’il était blessé par devant, il se consola en disant qu’il avait toujours souhaiter ce genre de mort pour lui et pour son fils. Sa vertu était d’autant plus solide qu’il était d’un caractère bouillonnant et impétueux. Il fut enterré dans l’église Sainte-Marie de York.


Quelques temps après, Léofrick mourut aussi ? C’était un homme d’une piété éminente et d’une prudence consommée. Les abondantes aumônes qu’il distribua aux pauvres, les églises qu’il bâtit ou répara, le célèbre monastère qu’il fonda à Coventry, furent les monuments publics de son zèle et de sa charité ; mais il joignit encore à ses vertus une humilité profonde. Les privilèges qu’il accorda à la ville de Coventry ont rendu son nom immortel dans le pays. Saint Edouard trouvait autant de secours que de consolation dans les pieux et sages conseils de ce grand homme. Algard, fils de Léofrick, fut fait duc de Mercie ; mais il ne se montra pas digne de son père.


Saint Edouard le Confesseur s’est surtout rendu célèbre par ses lois ? Il adopta ce qu’il y avait d’utile dans celles que l’on suivait alors et fit les changements et les additions qu’il crut nécessaires. Depuis, son code devint commun à toute l’Angleterre sous le nom de Lois d’Edouard le Confesseur, titre par lequel elles sont distinguées de celles que donnèrent les rois normands. Elles font partie du droit britannique, excepté en quelques points qui depuis ont subi des changements. Les peines infligées aux coupables par ces lois ne sont point sévères, elles reconnaissent peu de crimes punissables de mort ; les amendes y sont déterminées d’une manière fixe et ne dépendent point de la volonté des juges. Elles pourvoient à la sûreté publique et assurent à chaque particulier la propriété de ce qu’il possède. On était rarement dans le cas de sévir, parce qu’on veillait à l’observation des lois et que la justice était bien administrée.


On a vu peu de princes qui se soient montrés aussi zélés qu’Edouard pour le bonheur de leurs peuples. Il prenait spécialement les malheureux sous sa protection, faisait observer les lois, et voulait que la justice fut rendue avec autant de d’intégrité que de promptitude. Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, fut lui-même le témoin des vertus et de la sagesse de son parent, lorsqu’en 1052 il vint le voir en Angleterre.


Saint Edouard, pendant son exil en Normandie, avait fait vœu d’aller visiter le tombeau de saint Pierre à Rome, si Dieu mettait fin aux malheurs de sa famille. Lorsqu’il se fut solidement établi sur le trône, il prépara de riches offrandes pour l’autel du Prince des Apôtres, et disposa tout pour se mettre en état de passer en Italie. Ayant convoqué ensuite l’assemblée générale de la nation, il y déclara l’engagement qu’il avait contracté, et fit sentir l’obligation où il était de témoigner à Dieu sa reconnaissance. Il proposa ensuite les moyens qui lui paraissaient les plus propres à faire fleurir le commerce et à maintenir la paix ; il finit par mettre ses sujets sous la protection du Ciel. Les principaux de l’assemblée alléguèrent les raisons les plus fortes pour le dissuader de l’exécution de son dessein. Après avoir loué sa piété, ils lui représentèrent avec larmes les dangers auxquels l’Etat serait exposé ; qu’on aurait à craindre tout à la fois les ennemis du dedans et du dehors ; qu’ils s’imaginaient déjà voir toutes les calamités tomber sur le royaume.


Edouard fut si touché de leurs raisons et de leurs prières, qu’il promit, avant de rien entreprendre, de consulter Léon IX, qui occupait alors la chaire de Pierre. Il envoya à Rome, pour ce sujet, Aëlred, archevêque d’York, Herman, évêque de Winchester, et deux abbés. Le Pape, persuadé que le roi ne pouvait quitter ses Etats sans exposer son peuple à de grands dangers, le dispensa de l’accomplissement de son vœu ; mais ce fut à condition qu’il distribuerait aux pauvres l’argent qu’il aurait dépensé en venant à Rome, et qu’il bâtirait ou doterait un monastère en l’honneur de saint Pierre.


Sébert, roi des Est-Angles, avait fondé la cathédrale de Saint-Paul de Londres. Quelques auteurs lui ont aussi attribué la fondation d’un monastère en l’honneur de saint Pierre, qui était hors les murs et au couchant de la ville. On dit que ce monastère occupait l’emplacement d’un ancien temple d’Apollon, qu’un tremblement de terre avait renversé : mais le silence de saint Bède le Vénérable fait croire qu’il fut bâti quelques années plus tard par quelque particulier et qu’il était peu de chose dans son origine. On l’appelait Torney. Des Danois l’ayant détruit, le roi Edgard le fit reconstruire. Saint Edouard, après l’avoir réparé, y fit des donations considérables ; il voulut encore qu’il fut honoré d’exemptions et de privilèges ; ce qu’il obtint du pape Nicolas II en 1059. On lui donna le nom de Westminster, à cause de sa situation. Il est devenu fort célèbre depuis par le sacre des rois et par la sépulture des grands hommes du royaume. C’était l’abbaye la plus riche de toute l’Angleterre lorsqu’on y détruisit tous les monastères.


Saint Edouard faisait sa résidence à Winchester, à Windsor et à Londres, mais plus communément à Islip, dans la province d’Oxford, où il était né. Anciennement les seigneurs du royaume demeuraient à la campagne et vivaient parmi leurs vassaux ; ils n’allaient à la cour qu’aux grandes fêtes et dans quelques occasions extraordinaires. La fête de Noël était une des principales où la noblesse se rendait auprès du roi. Saint Edouard la choisit pour la dédicace de la nouvelle église de Westminster, afin que la cérémonie s’en fît avec plus de solennité. Les personnes les plus qualifiées du royaume y assistèrent. Le roi signa l’acte de fondation, et y fit insérer à la fin de terribles imprécations contre ceux qui oseraient violer les privilèges de son monastère.


Plusieurs historiens rapportent divers miracles opérés par saint Edouard. Un lépreux le pria instamment de le porter sur son dos royal dans l’église de Saint-Pierre, disant que ce saint avait promis qu’il guérirait par ce moyen. Ce bon prince se prêta à cette cérémonie rebutante et obtint ainsi la guérison du malade. Par le signe de la croix, il guérit une femme d’une tumeur chancreuse reconnue incurable. Trois aveugles ont recouvré la vue en s’appliquant l’eau dont le prince s’était servi pour se laver les mains. Saint Edouard mérita un jour de voir Notre Seigneur Jésus-Christ pendant le saint sacrifice de la messe et de recevoir visiblement sa bénédiction.


Après le Prince des Apôtres, celui des saints auquel saint Edouard avait le plus de dévotion était saint Jean l’Evangéliste, ce parfait modèle de la pureté et de la charité.


Voici à ce sujet une histoire charmante.

Saint Edouard ne refusait jamais l’aumône qu’on lui demandait au nom de saint Jean l’Evangéliste. Un jour, n’ayant rien autre chose, il donne son anneau à un étranger qui le priait au nom de saint Jean. Quelque temps après, deux Anglais qui allaient à Jérusalem visiter le Saint Sépulcre, s’égarèrent un soir et se trouvèrent surpris par la nuit. Comme ils ne savaient plus que devenir, un vénérable vieillard les remit dans leur chemin, les conduisit à la ville, et leur dit qu’il était le disciple bien-aimé de Notre Seigneur Jésus-Christ ; qu’il chérissait singulièrement leur prince, Edouard, à cause de sa chasteté, et qu’il les assisterait aussi dans tout leur voyage à sa considération. Ensuite il leur remit entre les mains la bague que ce prince avait donnée au pauvre pèlerin pour l’amour de lui, les assurant que c’était lui-même déguisé en pauvre qui l’avait reçue. Il les chargea de la lui rapporter à leur retour en Angleterre et de dire au saint roi qu’il viendrait le chercher au bout de six mois pour le mener avec lui à l’Agneau sans tâche.


Le roi reçut de ces deux pèlerins sa bague et les promesses de saint Jean en fondant en larmes et en louant Dieu pour une faveur si insigne.


S’étant trouvé mal à la cérémonie de dédicace de l’église de Westminster dont nous avons parlé plus haut, il n’y assista pas moins jusqu’à la fin ; mais fut obligé de se mettre au lit à l’issue de la cérémonie. Il ne pensa plus dès lors qu’à se préparer à la mort par des actes fervents de piété et par la réception des sacrements ? Tous les seigneurs de sa cour témoignaient la douleur la plus vive. Voyant la reine fondre en larmes, saint Edouard lui dit :


" Ne pleurez plus ; je ne mourrai point, mais je vivrai ; j’espère en quittant cette terre de mort entrer dans la terre des vivants pour y jouir du bonheur des saints."


Il la recommanda ensuite à Harold et à d’autres seigneurs, et il leur déclara qu’elle était resté e vierge. Il expira tranquillement le 5 janvier 1066, dans la 64e année de son âge et après un règne de 23 ans.

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